Célébrer l'humanité avec entêtement au cœur de la Mecque européenne de la photographie
Si vous demandez à un photographe contemporain quel est le plus grand défi de son art, vous entendrez probablement deux lettres redoutées : A.I. Sauf, semble-t-il, à Arles, cette ville lumineuse aux pierres romaines et médiévales du sud de la France qui accueille depuis 1970 le festival de photographie le plus prestigieux d'Europe : les Rencontres de la Photographie. Cette année, l'événement réunit une trentaine d'expositions dans des églises, des bâtiments municipaux, des musées et même une épicerie, se distinguant par un mépris presque ostentatoire pour les menaces et les frissons occasionnels liés à l'autonomie croissante de l'ordinateur. Que ce soit par dessein ou par hasard, les Rencontres célèbrent cette humanité à l'ancienne grâce au thème de cette année : « Images désobéissantes ». Mais qui désobéit vraiment ? Après trois jours à Arles, je n'étais pas sûr. Les collages antiques/modernes de Brésiliens à la peau brune par Gê Viana, les femmes autochtones d'Amérique du Nord vêtues de tenues futuristes néon par Caroline Monnet, les personnages drag aux couleurs vives par Brandon Gercara à la Réunion ou par Lila Neutre en France, et bien d'autres expositions cette année, sont des portraits résolument disruptifs, dans un style de photojournalisme stylisé, réalisés par des photographes émergents intéressés par l'identité personnelle et convaincus que leur public est blanc. Si tout cela semble un peu « dépassé », c'est bien l'impression qu'on a à Arles. Le portrait est un instinct ancien, et noble à l'ère des ordinateurs. Mais ces clichés de défi basés sur l'identité sont, dans un événement d'art haut de gamme, plutôt obéissants.