La Partie la Plus Perverse du 'Grand et Beau Projet de Loi' : Saboter les Énergies Propres
Parmi tous les éléments du 'One Big Beautiful Bill Act', la suppression des crédits d'impôt pour les énergies propres est sans doute la plus manifestement contre-productive. Cette décision ne fera pas que freiner la lutte contre le changement climatique. Les républicains du Congrès pourraient aussi précipiter l'Amérique dans la pire crise d'accessibilité énergétique depuis les années 1970. Mais cette fois, nous l'aurons provoquée nous-mêmes.
La demande en électricité aux États-Unis augmente plus rapidement que depuis au moins deux décennies. Les centres de données pour l'IA consomment des quantités massives d'énergie pour entraîner de nouveaux modèles. De plus en plus d'Américains branchent leurs voitures électriques et hybrides sur le réseau. La hausse des températures entraîne une utilisation accrue de la climatisation. Si l'offre ne suit pas cette demande croissante, les prix s'envoleront. Entre 2000 et 2022, les prix de l'électricité ont augmenté en moyenne de 2,8 % par an ; depuis 2022, ils grimpent de 13 % annuellement.
Heureusement, cette hausse de la demande coïncide avec un boom des énergies renouvelables. Selon l'Energy Information Administration, 93 % des nouvelles capacités électriques ajoutées cette année proviendront de l'éolien, du solaire et du stockage par batteries. Cette tendance devait s'accélérer grâce à l'Inflation Reduction Act (IRA), qui offrait des crédits d'impôt rendant les énergies propres plus abordables. Les investissements ont ainsi explosé, avec des centaines de projets prêts à produire de l'électricité dans la prochaine décennie.
Pourtant, la version sénatoriale du 'One Big Beautiful Bill' de Donald Trump supprime ces crédits pour tout projet éolien ou solaire ne commençant pas dans l'année suivant son adoption ou n'étant pas opérationnel avant 2028. Selon Jesse Jenkins du Princeton ZERO Lab, cela augmentera les coûts des futurs projets de 50 %, réduisant drastiquement leur nombre. 'C'est difficile d'imaginer pire autosabotage', déclare-t-il.
Les républicains justifient ces coupes en qualifiant les énergies renouvelables d'instables et coûteuses, prônant plutôt le charbon et le gaz naturel. Pourtant, les prix de l'éolien terrestre ont chuté de 70 %, ceux du solaire de 90 %, et ceux des batteries de plus de 90 % en dix ans. L'IRA devait économiser 220 $ par an aux ménages américains. Au Texas, toute la croissance électrique récente provient de l'éolien et du solaire, renforçant la fiabilité du réseau.
En réalité, ce sont les énergies fossiles qui sont peu fiables et chères. Le charbon est trop coûteux pour attirer des investissements, et l'industrie gazière subit une crise d'approvisionnement retardant les nouveaux projets. Robbie Orvis d'Energy Innovation prévient que cette loi pourrait déclencher une flambée des prix énergétiques comparable au choc pétrolier des années 1970, avec des hausses de 473 $ à 777 $ par an selon les États.
Derrière cette décision se cache une polarisation partisane extrême. Certains républicains voulaient même taxer l'éolien et le solaire à hauteur de 10-20 %. Bien que cette mesure ait été abandonnée, leur hostilité envers les énergies propres persiste, au détriment de leurs propres électeurs. Les États les plus touchés (Texas, Kansas, Oklahoma...) ont majoritairement voté Trump en 2020.
Les conséquences se feront pleinement sentir après 2030, sous une présidence potentiellement démocrate. Entre-temps, l'industrie de l'IA et la compétitivité face à la Chine en pâtiront. Comme le résume Jenkins : 'Abandonner ces crédits nuit à tous les objectifs affichés par Trump.' Sauf un : 'enfoncer les libéraux' – peu importe le prix.