Tommy Raffa : L'art de transformer la résistance créative en force libératrice
Pour Tommy Raffa, la résistance en studio n'est pas une crise créative, mais plutôt un subtil changement de perspective. Ce que d’autres qualifieraient de blocage, il le perçoit comme un signal—une indication que le chemin doit être ajusté plutôt que forcé. Cette sensibilité transparaît dans sa musique. Dans le All Day I Dream Spring Sampler, son titre « Outta Nowhere » dégage une patience robotique, laissant le groove et la texture porter l’essentiel. Il ne cherche pas à prouver quoi que ce soit. Il ne se précipite pas vers une résolution. Il se construit avec une direction calme, comme quelqu’un qui a déjà traversé le bruit pour atteindre la clarté.
En conversation, Raffa aborde son processus comme quelqu’un conscient de la facilité avec laquelle l’élan peut être brisé. Le studio est pour lui un lieu de boucles de feedback—internes et externes—et il faut un équilibre maîtrisé pour savoir quand s’investir et quand prendre du recul. Il ne parle pas de percées en termes grandioses. Il insiste plutôt sur le rythme, la présence et une patience disciplinée. Même lorsqu’une session semble improductive, il sait que des éléments peuvent être récupérés plus tard. Les idées peuvent être recyclées. Le progrès est non linéaire. Et la friction créative, si elle est bien utilisée, devient un aiguisement plutôt qu’un obstacle.
Ce qui ressort le plus clairement, c’est son accent sur l’intentionnalité. Qu’il s’agisse de passer à un autre morceau, de se vider la tête avec une promenade ou de réaborder un ancien projet sous un nouvel angle, le processus de Raffa évite la panique. Il ne fuit pas le travail. Il suit ce qui semble vivant et sait quand lui donner de l’espace. Pour les artistes qui voient la résistance comme un échec, l’état d’esprit de Raffa offre une approche plus silencieuse mais durable—un cadre basé sur la conscience, l’équilibre et l’acte simple d’écouter jusqu’à ce que le prochain mouvement prenne sens.
À quoi ressemble la résistance pour toi quand tu fais de la musique ? Mon motto dans la vie est de toujours prendre le chemin de la moindre résistance, mais en studio, la résistance peut surgir—qu’un arrangement ne fonctionne pas, que la kick ne sonne pas bien, ou que tu sois bloqué sur la recherche du parfait clap—cela peut complètement briser ton flow. Pour surmonter cela, j’ai trouvé que la meilleure approche est de prendre du recul. Je dois tout ressentir quand je travaille sur la musique, et elle ne sortira pas comme je l’imagine si je la force. La résistance est comme la peste—il faut l’éviter à tout prix. Si je décide qu’une chose ne va pas et que je tourne en rond sans solution, c’est de la résistance, pas du progrès. Il y a toujours une solution. Quand je me lasse de faire une chose, j’en fais une autre. Je pense que c’est plus un TDAH pour moi que de la résistance.
Comment fais-tu la différence entre le besoin de faire une pause et le fait de simplement éviter le travail ? Si je passe trop d’heures sur une chose, sans progresser sur un morceau, ou si je reste bloqué sur un détail pendant des heures, j’ai besoin d’une pause. Aussi si mes oreilles et ma tête commencent à fatiguer. Une pause est très importante pendant les sessions en studio, que ce soit pour une journée, une nuit, ou même une semaine. Si je m’enferme trop longtemps, je trouve que mon processus créatif et mon bien-être peuvent devenir stagnants. Cela dit, quand un morceau est en flow et que j’ai beaucoup d’élan et d’inspiration, je peux rester des heures sans pause et je ne veux pas m’arrêter quand je suis dans cet état. La persistance est aussi clé dans cette zone spéciale. Chaque artiste et producteur a des processus différents, et je pense qu’il est essentiel de s’écouter et de savoir ce qui fonctionne le mieux pour toi.
Quelle est ta solution quand une session stagne ? Quand une session stagne, j’aime la laisser respirer et me vider la tête. Réfléchir à où je voyais le morceau, où il en est, et voir quels changements je veux faire. Parfois, cela peut prendre un jour, parfois une semaine. J’ai beaucoup de morceaux que je n’ai finalement pas aimés, mais des parties ont inspiré de nouvelles musiques. J’aime évoluer et ne jamais gaspiller le temps que j’ai investi.
As-tu déjà tiré quelque chose d’utile en restant dans une session bloquée au lieu de partir ? Oui. C’est une de ces choses—on ne sait jamais. La persistance a mené à certaines de mes plus grandes percées et idées pour un morceau. Elle a aussi mené à de la frustration sans progrès. Si je ne progresse pas ou ne trouve pas d’inspiration sur un morceau, je commence une nouvelle idée ou revisite un autre morceau. Parfois, ce changement de son peut mener à du progrès sur autre chose.
Qu’est-ce qui empire généralement la résistance en studio—et qu’est-ce qui aide à la surmonter ? Forcer une session sans progrès ni inspiration. Pousser ses niveaux d’énergie quand ton esprit est simplement épuisé. Tes oreilles, tes yeux—rien ne fonctionne plus pour ce jour ou cette nuit. L’équilibre et la clarté sont essentiels pour moi pour surmonter la résistance en studio. Si une chose ne marche pas, j’essaie autre chose. Si je me sens sans inspiration, je prends l’air, je marche, je me concentre sur l’art, j’appelle un ami, et quand je me sens prêt, je retourne au morceau.
Après une mauvaise session, comment te ressaisir sans emporter cette tension dans la suivante ? Je fais ce qui me rend heureux et j’essaie de ne pas trop ruminer. Si un morceau ne fonctionne pas comme je le voulais, je le laisse de côté et j’en commence un nouveau ou je reviens à un autre. Le but est de me sentir satisfait et fier d’un morceau. Si je le modifie trop, rien n’aboutit. Mais je sais aussi quand quelque chose fonctionne et quand ça ne marche pas. Le but est de continuer à faire ce que j’aime et ce qui m’inspire. C’est là que la magie opère.
Ta relation avec les blocages créatifs a-t-elle changé—et qu’est-ce qui t’a aidé à modifier ta façon de les gérer ? Je crois que oui. La conscience, la présence et la croissance sont des choses que je recherche toujours dans la vie. Avant, j’abandonnais souvent—surtout si j’étais fixé sur un morceau et qu’il n’allait pas où je le voulais. Avec les années, j’ai réalisé qu’on ne peut pas abandonner dans la vie, sinon on n’avance jamais. Tous les artistes ont des blocages. C’est la façon dont tu les gères qui t’aide à réussir. Si je suis bloqué, je trouve une autre source de créativité—lire un livre inspirant, écrire, dessiner, aller dans une galerie d’art, ou regarder un film pour m’inspirer. Un appel occasionnel à des amis ou à la famille peut aussi faire des miracles. Le studio peut parfois être isolant. Demander des conseils sur un morceau peut ouvrir une toute nouvelle idée à laquelle je n’aurais jamais pensé. Plus je passe de temps à apprendre et créer, plus je découvre ce qui fonctionne pour moi—et ce qui ne fonctionne pas.