Recyclage : l'opacité du devenir des déchets, un problème mondial urgent
La gestion des déchets recyclés souffre d'un manque criant de traçabilité à l'échelle mondiale, révèle Faisal Shennib, spécialiste environnemental à l'Université Concordia. Ce problème aux multiples facettes impacte directement le changement climatique, la pollution plastique et les déséquilibres nutritionnels globaux, tout en privant les économies de milliards de dollars en matières valorisables.
Les systèmes actuels de mesure présentent des lacunes méthodologiques majeures. Bien que le poids des déchets (en tonnes) et les taux de valorisation soient des indicateurs standardisés, les définitions varient considérablement entre pays et institutions. Certains rapports incluent dans le « recyclage » des matières simplement collectées - mais pas nécessairement traitées.
L'absence de reporting uniformisé complique l'analyse. Les Objectifs de Développement Durable de l'ONU n'intègrent aucun chiffre récent sur le recyclage mondial, faute de données fiables. Les rapports existants agrègent des informations hétérogènes : périodes temporelles variables (données journalières ou annuelles), périmètres incomplets (seulement 39% des populations couvertes dans les pays en développement), et risques de double comptage.
Même les nations disposant de systèmes avancés comme l'UE, le Canada ou les États-Unis présentent des failles. Leurs rapports annuels autorisent des méthodes disparates, incluant des estimations. Aux États-Unis, les données remontent volontairement depuis les états à l'EPA, sans publication nationale depuis 2018.
Un défi supplémentaire réside dans l'opacité sur la composition des déchets. Peu d'états américains fournissent des analyses actualisées à l'EPA, et les audits complets - pourtant nécessaires - restent rares en raison de leur coût prohibitif. En conséquence, des statistiques comme « 9% des plastiques recyclés » (chiffre 2019) reposent sur des calculs incertains et sont déjà obsolètes.
Des écarts significatifs apparaissent même entre données officielles et analyses indépendantes. La Corée du Sud affiche un taux de recyclage plastique de 73%, quand Greenpeace l'estime à 26%. Le Canada souffre également d'un manque de standardisation dans ce domaine.
Face à ces enjeux, l'auteur plaide pour une harmonisation internationale des méthodologies, avec des engagements contraignants sur la fréquence et la qualité des rapports. Le futur traité mondial sur les plastiques porté par l'ONU pourrait constituer une première étape. Parallèlement, l'adoption d'outils comme le Waste Wise Cities Tool (UN-Habitat) et l'intégration de solutions digitales (blockchain, IA) permettraient d'améliorer la transparence et réduire les coûts de traçabilité.